Deux évènements récents
ont à nouveau mis en évidence la pauvreté intellectuelle du débat en France. Peut-être
devrait-on plutôt dire l’absence de débat dont les médias papier et leurs
appendices électroniques se sont fait les champions.
Le 1er
septembre, M. Narychkine, président de la Douma (le parlement russe) était à
Paris, accompagné de deux parlementaires russes. Il a reçu, à la résidence de
l’Ambassadeur de Russie, un certain nombre de députés et sénateurs français
ainsi que des chefs de grandes entreprises.
Le journal « La
Croix » a donné le ton des réactions sous ce titre : « Quand une dizaine de parlementaires français
affichent leur « Poutinophilie » à Paris ». Et d’expliquer que
l’on ne doit pas parler à des représentant du méchant M. Poutine. Il ne s’agit
en l’occurrence pas de représentants de M. Poutine, mais de représentants du
peuple russe. Mais surtout, depuis quand un citoyen français n’aurait pas le
droit de rencontrer des citoyens d’autres pays avec lesquels la France n’est
pas (au moins officiellement) en guerre.
S’agirait-t-il
d’un intérêt supérieur de la nation ? Le président d’une association qui a
l’humour de mettre le mot « liberté » dans son nom, explique que « C’est la crédibilité de l’action de la
France et de l’UE qui est atteinte lorsque des parlementaires français
participent à une rencontre de ce genre ». Donc, si je comprends bien,
« silence dans les rangs et je ne veux voir qu’une seule
tête ! » En voilà une curieuse conception de la
« liberté ».
Aucun des journaux qui
publient cette nouvelle n’omet d’expliquer que M. Narichkine fait l’objet de
sanctions personnelles qui l’empêchent d’entrer sur le territoire européen (et
donc français). Que les âmes sensibles se rassurent, il ne s’agit pas d’un
sursaut de dignité français. Interrogé par « La Croix », le quai
d’Orsay a fait savoir : « Sergueï Narychkine était invité par
l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe à une réunion à Paris. C’est
donc en application d’une obligation de droit international applicable à tout
pays siège d’une organisation internationale (en l’occurrence le Conseil de
l’Europe) que nous avons autorisé la présence sur le territoire national de
M. Narychkine. Aucun entretien avec des représentants officiels du
gouvernement français n’a eu lieu ». Nous voilà rassurés, aucun
représentant officiel du gouvernement français n’a eu d’entretien avec les
parlementaires russes. On ne sait jamais, en se parlant, ils risquaient de se
comprendre…
Deuxième événement, la
visite en Russie de quatorze parlementaires français représentant les
principaux partis de l’assemblée. Cette visite a été organisée par
l’association « Dialogue Franco-Russe », une association créée en
2004 sous le patronage des présidents de l’époque, MM. Chirac et Poutine, à une
époque où on se parlait encore. Le co-président français de l’association, M.
Thierry Mariani, à l’origine de cette initiative menait la délégation.
Les parlementaires ont
été reçus à la Douma, au Conseil de la Fédération et par le président de l’Administration
Présidentielle, M. Ivanov. L’objectif du voyage était de faire dialoguer des
responsables politiques, ce que fait le « Dialogue Franco-Russe » non
seulement dans le domaine politique, mais aussi dans différents domaines comme
les affaires ou la culture.
Seulement voilà,
dialoguer, chercher à se comprendre sont des activités aujourd’hui sinon
répréhensible, en tout cas extrêmement suspectes. Les pays occidentaux, dans
leur « grande sagesse » (toute neuve, elle date environ de 1991) ne
dialoguent plus, ne négocient plus, ils prennent des positions qui sont
forcément bonnes et doivent donc être acceptées sans discussion[1].
Ainsi, le journal
« Le Figaro » explique à propos de ce voyage : « une quinzaine de parlementaires français ont choisi
d'exprimer leur soutien à Vladimir Poutine en se rendant dans la capitale
russe.” Lesquels parlementaires sont devenus, dans le titre de l’article « Un groupe de parlementaires français
prorusses en visite à Moscou ». Il y a une terrible, une affreuse logique
dans tout cela. En effet dans un monde où on ne dialogue plus, où on ne parle
plus, où on ne négocie plus, visiter la Russie et rencontrer des parlementaires
russes ne peut être qu’une marque de soutien. Sinon, ils n’y seraient pas
allés, bien sûr.
L’hebdomadaire « L’Express » n’est pas en reste qui
titre : « 14 parlementaires français à Moscou pour soutenir la Russie ».
Un tel comportement est indigne d’une personne responsable et plus encore
d’un responsable politique. Mais c’est malheureusement la mode à presque tous
les niveaux de notre société. On ne parle plus, on ne négocie plus, on cloue au
pilori. « Si vous n’êtes pas avec moi, vous êtes contre moi » et,
dans les deux cas, d’ailleurs, on ne se parle pas, car « si vous êtes avec
moi », vous n’avez pas besoin d’explications, votre choix est fait et je
ne supporte aucune critique. Les relations humaines à leur plus bas niveau,
celui des pulsions et des instincts.
Je sais, se parler ne
veut pas forcément dire se comprendre. Mais ne pas se parler augmente très
largement le risque de parvenir à ce résultat. On remplace la discussion par la
violence d’une position non négociable. Je me souviens d’une de mes professeurs
à la fac de philosophie qui aimait répéter que « l’usage de la violence
est une marque de faiblesse ».
Cher Monsieur! On suit avec intérêt votre blog, et on voudrait lier un contact avec vous.
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Ambassade de Russie en France
Service de presse