mardi 11 novembre 2014

Helmut Kohl règle ses comptes


Les scandales politiques se suivent et, au fond, se ressemblent. Détournement de fonds, (on dit, en novlangue, « prises illégales d’intérêts ») ou trahisons. Il n’y a pas qu’en France que l’on règle ses comptes par médias interposés.
Un des nouveaux scandales en Allemagne est lié aux mémoires de l’ex-chancelier Helmut Kohl. Ce dernier a travaillé pendant plus de onze ans avec un journaliste, Heribert Schwan, produisant, entre 2001 et 2012, quelques six cent heures d’enregistrements réalisés pendant plus de cent entretiens.
Sachant que le journaliste « retravaillerait » le texte avant de le publier, M. Kohl s’est parfois un peu « lâché » dans ses jugements, d’autant que les enregistrements eux-mêmes ne devaient être rendus publics qu’après sa mort. M. Schwan a déjà publié trois tomes des mémoires de l’ex-chancelier, avec son accord.
Aujourd’hui, l’état de santé de M. Kohl ne lui permet plus de communiquer librement et il semblerait que les relations du journaliste avec la dernière compagne de M. Kohl, Maike Richter, ne soient pas aussi faciles qu’avec son compagnon. Ainsi donc, M. Schwan a dû rendre les enregistrements à la famille. Il en a cependant fait une copie et a publié quelques extraits choisis dont certains sont parus dans le magazine « Speigel ».
Ces citations concernant également la réunification de l’Allemagne et un certain nombre d’hommes politiques russes, les médias russes se sont également intéressés au livre de M. Schwan. Les extraits ci-dessous sont traduits du quotidien « Komsomolskaya Pravda ».
A propos de Mikhaïl Gorbachev : son seul legs historique est la chute du communisme, qu’il a d’ailleurs provoquée presque contre son gré. La réunification nous a coûté quatre milliards d’euros. S’il m’avait demandé cent milliards, pour un pays dont le budget était de cinq cent milliards, j’aurais payé.
Boris Eltsine : c’était l’ami de notre pays et mon ami personnel. Son image publique ne correspond pas à ce qu’il était, un homme d’une grande intelligence, doté d’une force politique étonnante et qui n’hésitait pas sur les moyens pour atteindre ses objectifs. Bien sûr il s’était fait beaucoup d’ennemis. Il buvait pas mal aussi, mais quand il était ivre, il était beaucoup mieux que certains hommes politiques qui ne boivent jamais. Eltsine était le premier à avoir compris que le communisme était fichu alors que Gorbachev et sa femme croyaient encore qu’on pouvait le moderniser.
Angela Merkel : le thème de la trahison revient souvent dans les entretiens. Pour Helmut Kohl, le plus grand traître est son successeur, Angela Merkel. Il lui réserve donc ses traits les plus acérés. Selon lui, elle était très mal élevée quand il l’a « ramassée dans le ruisseau ». Elle se comportait de façon affreuse pendant les réceptions officielles et il a dû la reprendre à plusieurs reprises. Il lui aurait même appris à manier le couteau et la fourchette.
Il l’accuse de trafics divers, quand elle était responsable d’un mouvement de jeunesse en RDA et cite l’exemple de la récolte des myrtilles. A cette époque, le gouvernement avait décidé, pour soutenir les étudiants, de les encourager à récolter des myrtilles qu’il leur payait quatre marks le kilo. Mais dans le même temps, ces myrtilles étaient vendues deux marks dans les magasins. Selon Helmut Kohl, Angela Merkel aurait acheté de grandes quantités de fruits à deux marks, pour les revendre à quatre en utilisant ses relations politiques en RDA.
Mais le pire a été la trahison politique. A ses débuts, Mme Merkel était la protégée de Lothar de Maizière, ancien ministre d’Allemagne de l’Est. Quand il a été accusé, de collaboration avec la Stasi, en 1991, elle a soutenu ces accusations en public et a pris la place d’adjoint du président du parti quand son protecteur a dû démissionner.
Helmut Khol l’a alors approchée et l’a prise sous son aile. Mais en 1998, après la défaite électorale de la CDU face au SPD de Gerhard Schröder, il est poussé à la démission par son ancienne protégée qui soutient Wolfgang Schäuble qui prend la tête de la CDU. Helmut Kohl sera ensuite mêlé au scandale des « caisses noires de la CDU » ce qui provoquera la fin de sa carrière politique.
Il conclut sur l’incompétence de l’actuelle chancelière en politique européenne, déclarant, par exemple « quand je pense à ses bêtises, il ne me reste qu’à me signer ». Je vous épargne les sous-entendus et rumeurs diverses sur la vie privée de Mme. Merkel.
Mais, Helmut Kohl ne se contente pas de régler des comptes politiques dans ces entretiens. Il donne également sa vision de l’Allemagne et de son économie. Là non plus, il ne fait pas dans le détail.
Le capitalisme allemand aujourd’hui : « il y a longtemps qu’il ne se passe rien dans l’industrie car les gens qui travaillent là dedans ne prennent aucun risque et aucune décision depuis longtemps. L’industrie est devenu un club d’intérêts. Qui joue au golf le vendredi après midi à Marbella ? Qui va là-bas dans son avion privé ? C’est toujours les mêmes salauds. Et les banques, qui les dirige ? Toujours les mêmes. Ils ont fait toutes les erreurs partout où c’était possible, mais ils sont toujours là ».
L’avenir de l’Allemagne : « nous sommes un pays brisé, dans lequel même les enfants n’apprennent pas l’hymne national. (…) Quand on déclare qu’accoucher pour une femme est une anomalie, on perd notre humanité. Une femme qui a un enfant est considérée aujourd’hui comme une sotte. C’est la plus grande bêtise que l’on puisse entendre ».
Tout ceci est évidemment à prendre avec quelques précautions. L’amertume est perceptible dans presque chaque propos. Mais ce nouvel épisode apporte des informations ambivalentes à la classe politique française qui aime citer l’Allemagne en exemple. Côté positif (si j’ose dire), il n’y a pas que chez nous que l’on règle des comptes politiques en public. Côté négatif, quelle image de l’Allemagne et de son économie donne un de ses anciens chanceliers !…

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