Après une longue nuit de
négociations à Minsk, la semaine dernière, Angela Merkel, François Hollande,
Petro Poroshenko et Vladimir Poutine ont mis au point un nouvel accord censé
résoudre le problème ukrainien, ou, en tout cas, au moins arrêter l’effusion de
sang. Il reste cependant de nombreux problèmes à régler.
Première problème : les
protagonistes directs de la guerre civile en Ukraine (Kiev, Donetsk et
Lougansk) ne se sont pas rencontrés directement. L’accord final devra pourtant
bien avoir lieu entre eux.
Deuxième problème :
Petro Poroshenko dispose-t-il, dans son pays, de l’autorité nécessaire pour
faire appliquer cet accord. Le lendemain même de la signature, le responsable
du bataillon Azov, et leader du « Secteur Droit » Dimitri Yarosh, ne
déclarait-il pas qu’il n’était pas engagé par le nouvel accord de Minsk et
qu’il continuerait les combats dans le cadre de sa propre stratégie. Mais plus
encore, cet accord prévoit une modification constitutionnelle qui requiert 2/3
des votes à la Rada Suprême. Le parti au pouvoir à Kiev disposera-t-il encore d’une
telle majorité cet automne ?
Troisième problème :
celui-ci est lié au second. Kiev vient aussi de signer un accord avec le FMI un accord dit de
Mécanisme Elargi De Crédit (MEDEC). Mais certains points de cet accord auront du mal à
« passer ». Quelle sera la réaction de la population déjà éprouvée,
quand les prix du gaz seront doublés (une première fois cette année, une
seconde, l’année prochaine) ? L'accord prévoit aussi que Kiev prenne de vraies
mesures pour lutter contre l’énorme corruption qui gangrène le pays.
Qu’adviendra-t-il alors de la majorité à la Rada ? Sans l’argent promis
par le FMI, le pays va à la faillite. Il n’est même pas certain qu’il y échappe
avec l’argent promis…
Quatrième problème :
quid de la position américaine ? Français et Allemands ont décidé de
« prendre le taureau par les cornes » alors que les Etats-Unis
semblaient se préparer à livrer des armes à Kiev. On ne peut que les en
féliciter. Mais si on regarde sérieusement la situation, que cela plaise ou non
à Angela Merkel et à François Hollande (et à certains autres d’ailleurs), les
Américains sont partie prenante à cette guerre qui est précisément une guerre
par procuration entre les Etats-Unis et la Russie.
Or les Américains
n’avaient qu’un seul représentant à Minsk, Petro Poroshenko. Ils ne sont pas
engagés par les accords dits de « Minsk II ». Le problème n’est donc
pas réglé. Il l’est d’autant moins quand on pense, par exemple, qu’au
printemps, quelques 400 parachutistes américains seront envoyés à Lvov dans
l’ouest de l’Ukraine pour entrainer les troupes de Kiev. La guerre par
procuration pourrait devenir une guerre directe et ceci sur le territoire
européen. On comprend donc la réaction des dirigeants allemands et français.
Mais le travail n’est pas
terminé et ce qui reste à faire est peut-être le plus difficile compte tenu de
la soumission de la plupart des pays européens vis à vis des Etats-Unis. Il
faut convaincre ces derniers de ne plus se mêler de ce qui se passe en Ukraine, de
cesser d’utiliser l’Union Européenne comme outil pour défier la Russie, de
jouer sur les divergences d’opinions au sein même de cette Union Européenne
pour promouvoir leurs intérêts propres.
Le moment est venu, en
espérant qu’il ne soit pas trop tard, de prendre ses distances avec les milieux
dirigeants américains et leur politique nihiliste et égoïste. En ce qui
concerne la France, la vente de Rafales à l’Egypte et la livraison des Mistrals
à la Russie seraient des signes intéressants. Mais il faut aller plus
loin.
Un premier pas, simple
techniquement mais psychologiquement très difficile, serait de suspendre l’aide
économique de l’Union Européenne à l’Ukraine. Cela mettrait les Etats-Unis devant
leurs responsabilités, comme le suggérait Jacques Sapir dans un article publié
hier sur son site : « Ceci permettrait à l’Allemagne et à la France, si elles osaient parler clair
et fort à Washington, de contraindre les Etats-Unis à s’engager de manière
décisive dans le processus de paix. Sinon, l’ensemble du coût de l’Ukraine
reposerait sur les Etats-Unis, et il est clair qu’en ce cas, le Congrès se
refuserait à financer de telles dépenses, qui pourraient d’ici les 5 prochaines
années atteindre les 90-120 milliards de dollars.”
Encore un effort Angela
et François, s’il vous plaît !
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