Ceci est le quatrième d'une série de cinq
articles consacrés à l'évolution de la société américaine depuis 2001 et
à l'influence dangereuse de ce pays sur la paix du monde, ou ce qui en
reste.
Les
faiblesses de l’économie et de la finance
Il est souvent difficile de se faire une idée
précise de la situation économique d’un pays tant la présentation des
statistiques peut avoir d’influence sur leur perception. Dans le même temps, on
a observé récemment que l’économie était devenu un nouveau terrain de lutte
entre pays. De tous temps, les gouvernements ont eu tendance à prendre des
mesures pour favoriser l’économie nationale. En période de croissance, ces
mesures n’avaient pas l’agressivité dont elles ont commencé à faire preuve en
période de stagnation.
Vers la fin des années vingt, les autorités
américaines avaient employé ce genre de méthodes pour se sortir de la crise. Les
résultats n’avaient pas été ceux attendus, beaucoup s’en faut, certains
économistes pensant même que ces mesures avaient allongé la période de récession.
Depuis 2008, les exemples de mesures agressives
ne manquent pas. Les poursuites de l’état américain contre des banques
européennes ont lancé le mouvement. On pense évidemment au cas de la BNP qui a
été contrainte à payer 8,9 milliards de dollars d’amende pour non respect de
l’embargo décidé par les autorités américaines contre différents pays. Il
s’agit d’un premier cas d’application ex territoriale d’une loi américaine.
Pourquoi la BNP ne pouvait-elle que payer ? Parce que les autorités
américaines ont la possibilité de restreindre les activités de la banque aux
Etats-Unis, un des centres mondiaux de la finance. Une telle mesure aurait
coûté beaucoup plus cher à la banque française.
Mais BNP n’est pas la seule banque étrangère
touchée. Les autorités américaines se sont également attaquées au Crédit Suisse
et même à une banque anglaise, HSBC. Tout ceci a pour résultat de rendre les
opérations aux Etats-Unis plus coûteuses pour les banques étrangères et donc de
favoriser les banques commerciales américaines.
Mais l’attaque pourrait aller encore plus loin.
La Réserve Fédérale s’est mis en tête de soumettre les banques étrangère
installées aux Etats-Unis à un « stress test » de son cru, pour les
forcer à augmenter leurs réserves. Ce faisant, elle limite d’autant les
possibilités de prêt sur le territoire américain, ce qui, de nouveau, favorise
les JP Morgan, City Bank et consorts.
En réponse, l’Union Européenne a décidé de s’en
prendre aux sociétés de technologie américaines réputées pour leur allergie aux
impôts qui n’a d’égal que la capacité de leurs conseillers à les aider à
construire des systèmes hautement sophistiqués leur permettant de ne pas, ou
peu, payer d’impôts en Europe. Systèmes dont certains pays européens se sont
d’ailleurs rendu complices.
Hors d’Europe, la manipulation des cours du
pétrole par l’Arabie Saoudite et ses alliés a pour but de fragiliser la
concurrence des sociétés américaines produisant du pétrole de schiste et qui
ont des prix de revient très élevés. D’après Jacques Sapir[1],
« si les grandes entreprises arrivent à produire du pétrole de schiste avec
des gains de productivité importants et ont, aujourd’hui, des points zéro
autour de 40 à 45 dollars le baril, les petites entreprises, elles, ont des
points d’équilibre plus proches de soixante dix à quatre vingt dollars. » Or ces entreprises ont des couvertures
d’assurance qui courent jusqu’au mois d’octobre[2].
Il y aura donc cet été, si les cours du pétrole ne remontent pas un certain
nombre de catastrophes dans ce secteur économique américain.
Vers la fin du vingtième
siècle, ce genre de problème aurait été réglé en coulisse, par des accords
entre les différents pays considérés. Mais c’était l’époque de la croissance.
Aujourd’hui il est question de se partager un gâteau dont la taille diminue.
Les déclarations
optimistes des autorités américaines quant à l’état de l’économie américaine
ont du mal à cacher une réalité bien mieux illustrée par l’agressivité du
gouvernement américain.
Les Etats Unis sont un
pays qui vit à crédit depuis de nombreuses années et qui a besoin, pour
poursuivre sa politique, que ses créditeurs gardent confiance dans le dollar.
Mais la confiance devient une denrée rare. Elle se soutien évidemment avec une
bonne communication, mais cela ne suffit pas. Les quotidiens et magazines
français dont on connaît les allégeances se sont félicités de la baisse du
déficit budgétaire et de la hausse de l’emploi. L’un d’entre eux titrait même
« le miracle américain ».
Le déficit budgétaire a
effectivement baissé sensiblement. Mais cela ne signifie pas que la dette de
l’état baisse également. Tant qu’il y a déficit, il y a augmentation de la
dette. Cette dette qui s’était maintenue entre 55 et 65% du PIB de 1992 à 2008
a augmenté de façon extrêmement importante ensuite pour se situer fin 2012 à
16.433 milliards de dollars, soit 103,6% du PIB et elle continue d’augmenter
quoique plus lentement. D’autre part, la dette est détenue à près de 80% par
des pays étrangers dont la Chine (29,2%), le Japon (15,4%), la Belgique (13,8%)
ou la Grande Bretagne (13%) pour ne citer que les plus importants détenteurs[3].
Les Etats-Unis doivent donc à tout prix maintenir la confiance du monde dans
leur économie.
Jusqu’à présent, la
Réserve Fédérale a réussit à maintenir les taux en dollars à des niveaux
extrêmement bas, pour aider les banques à se remettre de la crise de 2008/09,
allégeant par là même également le fardeau de la dette.
Mais, selon Mike Patton
dans un article publié par Forbes, le 18 septembre 2014, la Réserve Fédérale
pense que la dette va continuer à augmenter en particulier à partir de 2020
essentiellement pour des raisons démographiques. Il est peu probable que le parlement
américain, dans l’état actuel de son irresponsabilité politique, soit capable
d’enrayer ce mouvement. Il se contentera sans doute comme il vient de le faire
à plusieurs reprises d’augmenter le plafond de dette autorisé. Ce plafond se
trouve actuellement à 17.200 milliards de dollars après 16.700 milliards en mai
2013 et 14.700 en août 2011.
Du côté de l’emploi, les choses ne vont pas non
plus aussi bien que ne pourraient le laisser penser les statistiques
officielles. Les Etats-Unis, comme d’ailleurs de nombreux pays européens comme
la France, ne présente qu’une partie des chiffres. L’autre, bien qu’elle ne
soit pas gardée secrète est beaucoup moins visible ou facile à trouver. Ainsi
quand les médias claironnent que le chômage aux Etats-Unis est à 5,3%, ils ne
vous présentent qu’une partie de la photographie et oublient de mentionner que
le chiffre total prenant en compte les divers types de chômage (le taux U6 pour
reprendre la classification du « Bureau Américain de l’Emploi ») est
à 10,9%.
En ce qui concerne le crédit, les erreurs du
passé sont en train de se reproduire. La nouvelle bulle est celle des crédits
automobiles. Le consommateur américain peut obtenir un crédit de cent pour cent
de la valeur du véhicule acheté (même un peu plus pour tenir compte des frais)
même pour les véhicules d’occasion. Mieux encore, il peut emprunter en mettant
sa voiture en gage. Comment cela est-il possible ? Simplement, ceux qui
accordent ces crédits les regroupent, les transforment en obligations
(securitization) et les mettent sur le marché suivant le système bien connu des
« mortgage bonds » qui ont provoqué la crise de 2008/09.
Pour David Stockman, l’ancien directeur du budget[4] de
Ronald Reagan, les Etats-Unis sont tellement « accro » à la dette
qu’une catastrophe est imminente.
En attendant, c’est la fuite en avant et la
déstabilisation du monde car tout le temps que les Etats-Unis apparaîtront, par
comparaison, comme un havre de sécurité financière, la demande de dollar
subsistera et c’est bien l’objectif : assurer l’espace des échanges en
dollars, l’écoulement de la dette US et des flux de commandes à l’industrie
militaires US.
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