jeudi 9 juillet 2015

Le réel et le virtuel


J’ai eu récemment une conversation avec un collègue américain au cours d’un colloque sur les relations entre la Russie et l’Otan. J’aimerais préciser, car la suite pourrait en faire douter, que ce collègue était parfaitement sobre.
Nous parlions de la position des médias occidentaux, et en particulier américains, et de la descriptions qu’ils donnent de ce qui se passe actuellement dans l’est de l’Europe et en Ukraine. J’expliquais que ces positions me semblaient appartenir plus à un monde virtuel qu’au monde réel, ce qui m’attira le commentaire surprenant suivant : « Si vous vous souciez encore de la réalité, c’est que vous faites partie du monde des perdants, des faibles, des esclaves. Les forts ne s’en soucient plus, parce que la réalité, c’est eux qui la créent ».
Cela ressemble à première vue à une boutade. Mais la personnalité de mon interlocuteur et le sérieux avec lequel il a énoncé ce qui semblait être, pour lui, une évidence ne me permettaient pas de considérer son propos comme une boutade. Il était, en réalité, profondément convaincu de ce qu’il disait. Si on arrive à se convaincre que l’on dispose d’une puissance quasiment sans limites, même la réalité ne peut plus être acceptée comme telle en ce qu’elle limiterait la puissance. La réalité doit obligatoirement correspondre à ses désirs et la limite entre le réel et le virtuel a tendance à disparaître progressivement.
Il n’y a donc pas de duplicité, et on ne peut parler d’hypocrisie dans la mesure où dans l’esprit de votre interlocuteur la limite a disparu. Mais c’est particulièrement inquiétant car il n’y a pas non plus d’entente possible. On ne se comprend pas parce que l’on ne peut plus se parler et on ne peut plus se parler parce que chacun vit dans son monde dont il est persuadé qu’il s’agit bien du seul monde « réel ».
Les exemples ne manquent pas que l’on doit maintenant observer différemment. Si un membre du G8 a un comportement non conforme, on ne cherche pas à lui parler, à le convaincre, on ne cherche pas à réévaluer sa propre position, on l’exclut.
Même chose pour les réactions des dirigeants de l’Union Européenne vis à vis de la Grèce. Même chose encore pour l’OSCE, supposée assurer une position d’observateur neutre de la situation en Ukraine et qui vient de voter à Helsinki une motion proposée par une des parties au conflit.
On croit rêver disais-je souvent. En ce moment, j’aimerais être en train de rêver car tout ceci est très inquiétant.

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