vendredi 7 août 2015

Bravo et merci Thierry Mariani


Ainsi donc, nous venons d’apprendre que la France et la Russie avaient trouvé un accord sur les Mistrals non livrés par la France. L’annonce met fin tout d’abord à une longue période d’hésitations suite à la « découverte » par François Hollande que « les conditions n’étaient pas réunies pour une livraison… ». Quelles conditions ? On ne nous le dira jamais officiellement. Officieusement, chacun sait que c’est un veto américain qui a bloqué le marché, mais ça, on ne peut pas le reconnaître, il en va de notre honneur, n’est-ce pas. Mais quel honneur ? Celui d’un président boutiquier qui n’a qu’une conception étriquée et basse de ce que serait l’honneur. S’il ne s’agissait que de son honneur personnel, mais il s’agit de l’honneur du président de la république et donc de la France. Rien à voir avec sa petite personne qu’il confond avec la position qu’il occupe. La Fontaine a parlé il y a longtemps d’une certaine grenouille…
Elle met également fin à un épisode beaucoup plus court et que l’on pourrait considérer comme plutôt cocasse s’il ne mettait en jeu, une fois encore, celui qui incarne si mal l’honneur de la France.
La semaine dernière, François Hollande déclarait qu’il n’y avait pas encore d’accord avec la Russie sur les Mistrals. Nous savions cependant que l’équipe de négociateurs français était rentrée de Moscou avec un projet d’accord déjà « ficelé ». De son côté, Moscou annonçait avoir trouvé un accord avec la France.
Des arguties[1] de boutiquier
Y avait-il ou non accord ? Oui pour les Russes, non pour l’Elysée. Les négociateurs s’étant quittés avec un projet d’accord accepté par tous, les Russes considéraient donc qu’il y avait accord. Mais l’accord n’étant pas formellement signé, l’Elysée, manipulant la réalité a pu prétendre qu’il n’y avait pas d’accord. Car il fallait que le président donne l’impression de contrôler l’opération, il avait besoin de donner cette impression car chacun sait qu’en réalité, ce n’est pas lui qui a signé le contrat initial (c’est Nicolas Sarkozi), et ce n’est pas lui qui a décidé de la non livraison (c’est Barak Obama). Il fallait à tout prix manipuler les apparences, un jeu auquel le président français excelle, il faut bien le lui reconnaître.
Ainsi donc, c’est lui qui a annoncé la conclusion de l’accord, suite à une conversation téléphonique qu’il a eue avec Vladimir Poutine. Il ne vous aura pas échappé que cette annonce a été faite en Egypte, pays qui est le premier a avoir commandé des Rafales français, et à l’occasion de la cérémonie officielle d’inauguration des travaux du canal de Suez. Les médias ont donc matière à parler d’autre chose.
Il fallait boire la coupe jusqu’à la lie, après les divers renoncements politiques qui ont fait de la France un vassal soumis des Etats-Unis et de l’Otan.
Il y a, heureusement en France, un certain nombre de dirigeants qui refusent cette situation. Ils ne veulent pas sacrifier la politique étrangère et l’économie du pays à des intérêts extérieurs. Les Etats-Unis jouent leur jeu et on ne saurait le leur reprocher, mais il est du devoir de dirigeants responsables de ne pas céder à ce jeu et aux règles que l’on veut nous imposer qui ne tiennent pas compte de nos intérêts.
Thierry Mariani[2] est l’un d’eux. Le mardi 21 juillet, il annonçait le voyage en Russie et en Crimée d’un groupe de parlementaires[3] français.
Cette annonce provoquait immédiatement des réactions outrées de la part du gouvernement et des médias « aux ordres ». Le lendemain de l’annonce, Laurent Fabius se disait « choqué » et ajoutait qu’il s’agissait selon lui d’ « une violation du droit international. Entrer en Crimée sans l'autorisation des autorités ukrainiennes c'est, de fait, reconnaître les prétentions russes". Deux jours plus tard, Bruno Le Roux déclarait toujours à propos de ce voyage : "C'est une soumission et une honte pour le Parlement français", à propos de soumission, le gouvernement français sait de quoi il parle.
L’ambassadeur d’Ukraine à Paris faisait part de son « indignation », mais il était, lui, dans son rôle.
Thierry Mariani est donc resté fidèle à ses convictions et a effectué ce voyage avec sept de ses collègues. Ce n’est pas une première, il avait déjà conduit un groupe de parlementaires français à Moscou l’année dernière où ils avaient rencontré, entre autres, Serguei Naryshkine, le président de la « Douma », le parlement russe.
Je me souviens de la première fois où j’ai rencontré Thierry Mariani, c’était à un colloque organisé à l’Assemblée Nationale. C’est le premier homme politique français que j’ai entendu qualifier publiquement le changement de pouvoir en Ukraine de « coup d’état ».
Dans une interview qu’il a donnée à l’auteur de l’excellent livre « Le Siècle Russie[4] », dont je ferai prochainement une recension sur ce site, Thierry Mariani expliquait à propos du rôle que la France devrait jouer dans les relations entre l’Union Européenne et la Russie : « La France avait une position privilégiée (par rapport à l’Allemagne), il y a quelques années. La situation s’est inversée, aujourd’hui. Si on considère le dialogue personnel entre les chefs d’états ou la situation économique, j’ai l’impression que l’Allemagne est passée devant la France pour les Russes, même si on continue à avoir une présence économique forte en Russie et même si nous avons des liens historiques. Un ami russe me disait récemment, « pour le cœur, c’est les Français, pour les affaires, c’est les Allemands ». Nous avions des atouts naturels que nous avons un peu gâchés et il nous reste une pente à remonter ».
Pour reprendre ses propres termes, Thierry Mariani nous invite donc à « remonter la pente », et il le fait avec brio. Le timing de ce voyage n’est pas fortuit, pas plus que la destination. Depuis quelques semaines, la mauvaise foi de Washington et de ses alliés les plus actifs au sein de l’Union Européenne comme la Pologne ou les pays Baltes et la mauvaise foi doublée d’incompétence du gouvernement ukrainien semblent provoquer une certaine prise de conscience dans les principaux pays européens.
N’oublions pas non plus ce qui se passe en Grèce. Que va faire l’Union Européenne quand l’Ukraine aura fait défaut sur sa dette, quand la situation économique sera telle que nous devrons faire face à une nouvelle vague d’immigration clandestine en provenance d’Ukraine ? On commence à faire les comptes en Allemagne, en France ou en Italie, même si on n’en parle pas encore publiquement.
La démarche des parlementaires français arrive à un très bon moment. Je n’en veux pour preuve que l’annonce de la visite en octobre de parlementaires italiens en Crimée et celle de parlementaires allemands.
Il y a eu des rumeurs en France, d’une possible visite de Nicolas Sarkozi. Si celle-ci avait lieu, si un ancien président de la République Française, futur candidat au même poste se rendait en Crimée, c’est serait fait, définitivement, du front uni européen face à la Russie. D’autant plus que les économies des pays européens réclament la fin des sanctions et de l’embargo qui ne font que renforcer l’effet déjà désastreux des politiques d’austérité.
Ceci aurait pour effet également de nous permettre de prendre quelques distance avec les Etats-Unis qui nous imposent depuis plus d’un an une politique qui ne pénalise que l’Union Européenne et la Russie.
Il semble y avoir, du côté américain également, une certaine prise de conscience du fait que la politique adoptée autour de la crise ukrainienne ne peut mener qu’à une impasse. Deux candidat républicains à l’investiture de leur parti pour les élections présidentielles ont même pris position en faveur d’une reprise des relation avec la Russie. Le premier, Donald Trump, l’a fait dans son style direct (« je pourrais m’entendre avec Vladimir Poutine »), l’autre, Rand Paul de façon plus nuancée mais tout de même très nette. Ils n’auraient pas fait ce genre de déclaration s’ils se savaient isolés politiquement sur ce point.
A son retour, Thierry Mariani a non seulement témoigné de la situation en Crimée, il a de nouveau réclamé la levée des sanctions. Ces sanctions auxquelles s’accrochent les Etats-Unis et une partie des pays de l’Union Européenne ne résistent pas, en effet à l’analyse. Lorsque l’on questionne des dirigeants européens ou américains, ils justifient les sanctions de trois façons.
La première justification des sanctions est le rattachement de la Crimée à la Fédération de Russie qu’ils jugent contraire au droit international et qu’ils considèrent comme un précédent dangereux de modification de frontières non négocié. Tout d’abord, ils oublient qu’il ne s’agit pas d’une première sur le continent européen depuis le Kosovo. Mais surtout, chacun sait que la Russie ne renoncera jamais à ce rattachement d’une région qui historiquement et ethniquement est russe. Nous dirigeons nous donc vers des sanctions éternelles ?
La deuxième justification est la catastrophe du vol MH17 au dessus de l’Ukraine. Mais les pays à la tête desquels se trouvent les Etats-Unis qui accusent la Russie d’être directement ou indirectement responsable de cette catastrophe n’ont jamais fourni de preuves tangibles de ce qu’ils avançaient. La mascarade organisée au conseil de sécurité de l’ONU pour obtenir la création d’un tribunal international et pousser la Russie à refuser ce qui ne pouvait-être qu’une nouvelle manipulation ne tient pas lieu de preuve de quoi que ce soit.
La troisième justification est l’invasion supposée de l’Ukraine par la Russie. Là aussi, aucune preuve d’une chimérique invasion qui pourtant serait si facile à apporter, vu la quantité de satellites photographiant le pays. Une armée d’invasion avec sa logistique ne passerait pas inaperçue.
Ces sanctions ne reposent sur rien, si ce n’est le désir américain d’affaiblir l’Union Européenne et la Russie et d’éviter une collaboration qui aboutirait à la création d’un ensemble économique capable de rivaliser avec les Etats-Unis. Elles doivent être levées.
Jacques Myard écrivait après son retour, dans un communiqué de presse : « Certaines personnes nous ont accusé d'être "Pro russe". En ce qui me concerne je ne suis ni " Pro russe " ni " Pro américain " mais simplement " Pro français " et réaliste. (…)La Russie est un partenaire incontournable pour la stabilité de l'Europe ! La France doit lever unilatéralement ces sanctions inefficaces et contre-productives . Elle doit retrouver une politique étrangère indépendante conforme à nos intérêts.  Il y a urgence ! ».
Aucune voie discordante sur le voyage dans le groupe de parlementaires. Thierry Mariani a montré le chemin à suivre pour, selon son expression mentionnée plus haut : « Remonter la pente ». Bravo et merci Thierry Mariani !


[1] D’après le dictionnaire Larousse : « Subtilité excessive d'argumentation dont on use pour pallier la faiblesse, le vide ou la fausseté de la pensée ».
[2] Ancien ministre, député des Français de l'étranger (Les Républicains).
[3] Claude Goasgen, Patrice Verchère, Jacques Myard, Sauveur Gandolfi-Scheit, Marie-Christine Dalloz, ainsi que le député radical Jérôme Lambert et le sénateur UDI Yves Pozzo di Borgo.
[4] « Le Siècle Russie », par Denys Pluvinage, éditions Apopsix. Ne cherchez pas ce livre en librairie, j’ai reçu un exemplaire presse, il sera en vente en septembre seulement.

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