jeudi 20 août 2015

Ukraine, la réunion de la dernière chance ?


Après le G8 à sept, les quatre de Normandie à trois? Lundi prochain, Angela Merkel, François Hollande et Petro Poroshenko vont se réunir en Allemagne. Quel sens donner à cette réunion avant qu’elle ne commence et qu’en attendre ?
Première question, pourquoi les quatre de Normandie se réunissent-ils à trois ? La nouvelle est tombée alors que le président russe et son premier ministre étaient tous deux en Crimée. Questionné par un journaliste sur la situation en Ukraine et sur la crainte de voir les accords de Minsk II déchirés par Kiev, Vladimir Poutine a répondu : « Je ne crois pas que les accords de Minsk soient sur point d’être dénoncés et nous faisons tout ce que nous pouvons pour qu’ils ne le soient pas car sinon, ce serait la guerre dans le Donbass ». A Moscou, pendant ce temps, le ministre russe des affaires étrangères Serguei Lavrov commentait la nouvelle sans sembler prendre ombrage du fait que la Russie ne soit pas invitée : « Nous allons évidemment suivre avec attention les résultats de cette rencontre ».
Tout ceci me fait penser que l’hypothèse présentée dans certains médias suivant laquelle l’Union Européenne reviendrait à sa position de fin 2013-début 2014, à savoir « ce qui se passe en Ukraine ne concerne pas la Russie », bien que ne pouvant être totalement exclue, est très peu vraisemblable.
Mais alors, pourquoi ne pas inviter Vladimir Poutine qui était un signataire des accords de Minsk ? Sans doute parce qu’il ne sera pas question de remettre en cause ces accords, ou de les renégocier, mais d’essayer de forcer la main de Petro Poroshenko et l’obliger à respecter sa signature ce qu’il a essayé par tous les moyens d’éviter de faire jusqu’à présent.
On ne peut pas dire que la politique suivie par l’Union Européenne en Ukraine ces derniers temps ait été un franc succès. L’accord signé en présence des ministres des affaires étrangères français et allemand en février 2014 a été déchiré par les Ukrainiens le lendemain même. Depuis, les accords de Minsk I puis les accords de Minsk II censés régler les relations entre Kiev et les indépendantistes du Donbass, co-signés par l’Allemagne, la France et la Russie n’ont pas été respectés par Kiev. Au lieu de cela, les dirigeants européens découvrent un partenaire incontrôlable qui n’en fait qu’à sa tête, qui ne respecte pas sa parole, a perdu le contrôle des bataillons néo-nazis qui combattent dans son camp, ne dirige plus grand chose dans son pays et fait des déclarations irresponsables, comme celle d’accuser Vladimir Poutine d’avoir le projet d’occuper toute l’Europe.
L’Europe et les Etats-Unis risquent de se trouver avec une catastrophe humanitaire, un pays exsangue, une nouvelle crise grecque avec la violence en plus. Les Etats-Unis n’auront sans doute pas de mal à prendre leurs distances comme ils l’on fait pour tous les pays qu’ils ont contribué à jeter dans le chaos depuis de nombreuses années. Mais pour les européens, la crise est à leur porte, comment gérer cette nouvelle catastrophe à la fois humanitaire et économique et cette nouvelle vague d’immigration qui ne manquera pas de s’ajouter à la présente, venant juste de l’autre côté de la frontière ?
D’où la deuxième question : qu’attendre de cette réunion ? Au moment où l’Union Européenne n’arrive pas à se sortir de sa crise économique, au moment où il devient de plus en plus évident que la politique d’austérité prônée par l’Allemagne ne peut fonctionner quand elle est appliquée à tous les pays de l’Union en même temps, au moment où on sort à peine de la énième crise grecque tout en réalisant que la solution a toutes les chances de ne pas fonctionner, au moment où l’Union Européenne croule sous le nombre des immigrés clandestins qui sont le résultat des politiques mises en œuvre ou soutenues par les responsables politiques européens actuels et leurs prédécesseurs, il n’est pas très étonnant qu’Angela Merkel et François Hollande écourtent leurs vacances pour essayer de ramener leur partenaire turbulent à la raison.
Si c’est bien l’objectif de cette réunion, ce que je souhaite de tout cœur, il est évidemment plus commode d’admonester Petro Poroshentko en dehors de la présence de Vladimir Poutine. Les arguments ne manquent pas pour lui faire entendre raison, si c’est bien ce que l’on veut. La situation financière du pays dépend des aides étrangères, on pourrait s’en tenir à une règle du FMI qui n’a pas été respectée jusqu’à présent et qui veut que le FMI ne donne pas d’aide financière à un pays en état de guerre. L’Union Européenne pourrait stopper toute aide financière ce que, soit dit en passant la majorité de ses citoyens ne lui reprocheraient pas, elle pourrait aussi retirer son soutien politique au gouvernement actuel de Kiev ce qui provoquerait presque certainement sa chute, et surtout lui expliquer que l’Union Européenne s’opposera à toute livraison d’armes que Poroshenko et son premier ministre réclament depuis des mois. Lui faire enfin comprendre avec force qu’il n’y a pas d’autre issue que politique à la situation ukrainienne.
Il y a urgence, car je suis convaincu comme beaucoup d’observateurs de la situation en Ukraine que Kiev se prépare à lancer une offensive militaire dans le Donbass. La recrudescence des bombardements rapportée non seulement par les médias russe mais aussi par la BBC et les observateurs de l’OSCE et les mouvements de troupes, sont des indices qui ne trompent pas.
Mais une armée en partie démoralisée, incapable de réussir une septième mobilisation car ses citoyens ne veulent pas de cette guerre et ne veulent pas y participer, une armée à moitié entrainée par des instructeurs étrangers qui ont bien peu de considération pour leurs « élèves », ne peut pas vaincre des hommes résolus qui se battent sur leur terrain pour défendre leurs femmes, leurs enfants, leurs familles qui sont, physiquement, juste derrière eux. Jamais les 70.000 hommes de Kiev ne battront les 35.000 indépendantistes résolus et qui sont sur leur terrain qui s’y sont retranchés pendant des mois et qui, alors, n’auraient plus grand-chose à espérer.
D’où la troisième question à laquelle j’espère que nous n’aurons pas à répondre : que va-t-il se passer après une défaite des armées de Kiev face aux indépendantistes. Jusqu’où les indépendantistes vont chercher à pousser leur avantage ? Moscou pourra-t-il les retenir ?
Si les indépendantistes victorieux et avides de revanche poursuivent leur avantage au delà des limites actuelles de leurs républiques autoproclamée, la logique actuelle de l’Otan serait d’en faire porter la responsabilité à la Russie. Que ferait alors l’Otan ? Intervenir militairement sur le terrain et entrer ainsi en une confrontation armée avec la Russie ?
Etant un incurable optimiste, je crois pas à cette évolution, cependant, je dois reconnaître qu’une chose m’inquiète tout de même sérieusement : il y a encore beaucoup trop de gens à Washington, à Bruxelles et à Kiev qui veulent une reprise des combats dans le Donbass.
Alors, Angela et François surpassez-vous, lundi, s’il vous plaît !

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