Après le G8 à sept, les
quatre de Normandie à trois? Lundi prochain, Angela Merkel, François Hollande
et Petro Poroshenko vont se réunir en Allemagne. Quel sens donner à cette
réunion avant qu’elle ne commence et qu’en attendre ?
Première question,
pourquoi les quatre de Normandie se réunissent-ils à trois ? La nouvelle
est tombée alors que le président russe et son premier ministre étaient tous
deux en Crimée. Questionné par un journaliste sur la situation en Ukraine et
sur la crainte de voir les accords de Minsk II déchirés par Kiev, Vladimir
Poutine a répondu : « Je ne crois pas que les accords de Minsk soient
sur point d’être dénoncés et nous faisons tout ce que nous pouvons pour qu’ils ne
le soient pas car sinon, ce serait la guerre dans le Donbass ». A Moscou, pendant
ce temps, le ministre russe des affaires étrangères Serguei Lavrov commentait
la nouvelle sans sembler prendre ombrage du fait que la Russie ne soit pas
invitée : « Nous allons évidemment suivre avec attention les
résultats de cette rencontre ».
Tout ceci me fait penser
que l’hypothèse présentée dans certains médias suivant laquelle l’Union
Européenne reviendrait à sa position de fin 2013-début 2014, à savoir « ce
qui se passe en Ukraine ne concerne pas la Russie », bien que ne pouvant
être totalement exclue, est très peu vraisemblable.
Mais alors, pourquoi ne
pas inviter Vladimir Poutine qui était un signataire des accords de
Minsk ? Sans doute parce qu’il ne sera pas question de remettre en cause
ces accords, ou de les renégocier, mais d’essayer de forcer la main de Petro
Poroshenko et l’obliger à respecter sa signature ce qu’il a essayé par tous les
moyens d’éviter de faire jusqu’à présent.
On ne peut pas dire que
la politique suivie par l’Union Européenne en Ukraine ces derniers temps ait
été un franc succès. L’accord signé en présence des ministres des affaires
étrangères français et allemand en février 2014 a été déchiré par les
Ukrainiens le lendemain même. Depuis, les accords de Minsk I puis les accords
de Minsk II censés régler les relations entre Kiev et les indépendantistes du
Donbass, co-signés par l’Allemagne, la France et la Russie n’ont pas été
respectés par Kiev. Au lieu de cela, les dirigeants européens découvrent un
partenaire incontrôlable qui n’en fait qu’à sa tête, qui ne respecte pas sa
parole, a perdu le contrôle des bataillons néo-nazis qui combattent dans son
camp, ne dirige plus grand chose dans son pays et fait des déclarations
irresponsables, comme celle d’accuser Vladimir Poutine d’avoir le projet
d’occuper toute l’Europe.
L’Europe et les
Etats-Unis risquent de se trouver avec une catastrophe humanitaire, un pays
exsangue, une nouvelle crise grecque avec la violence en plus. Les Etats-Unis
n’auront sans doute pas de mal à prendre leurs distances comme ils l’on fait
pour tous les pays qu’ils ont contribué à jeter dans le chaos depuis de
nombreuses années. Mais pour les européens, la crise est à leur porte, comment
gérer cette nouvelle catastrophe à la fois humanitaire et économique et cette
nouvelle vague d’immigration qui ne manquera pas de s’ajouter à la présente,
venant juste de l’autre côté de la frontière ?
D’où la deuxième
question : qu’attendre de cette réunion ? Au moment où l’Union
Européenne n’arrive pas à se sortir de sa crise économique, au moment où il devient
de plus en plus évident que la politique d’austérité prônée par l’Allemagne ne
peut fonctionner quand elle est appliquée à tous les pays de l’Union en même
temps, au moment où on sort à peine de la énième crise grecque tout en
réalisant que la solution a toutes les chances de ne pas fonctionner, au moment
où l’Union Européenne croule sous le nombre des immigrés clandestins qui sont
le résultat des politiques mises en œuvre ou soutenues par les responsables politiques
européens actuels et leurs prédécesseurs, il n’est pas très étonnant qu’Angela
Merkel et François Hollande écourtent leurs vacances pour essayer de ramener
leur partenaire turbulent à la raison.
Si c’est bien l’objectif
de cette réunion, ce que je souhaite de tout cœur, il est évidemment plus
commode d’admonester Petro Poroshentko en dehors de la présence de Vladimir
Poutine. Les arguments ne manquent pas pour lui faire entendre raison, si c’est
bien ce que l’on veut. La situation financière du pays dépend des aides
étrangères, on pourrait s’en tenir à une règle du FMI qui n’a pas été respectée
jusqu’à présent et qui veut que le FMI ne donne pas d’aide financière à un pays
en état de guerre. L’Union Européenne pourrait stopper toute aide financière ce
que, soit dit en passant la majorité de ses citoyens ne lui reprocheraient pas,
elle pourrait aussi retirer son soutien politique au gouvernement actuel de
Kiev ce qui provoquerait presque certainement sa chute, et surtout lui
expliquer que l’Union Européenne s’opposera à toute livraison d’armes que
Poroshenko et son premier ministre réclament depuis des mois. Lui faire enfin
comprendre avec force qu’il n’y a pas d’autre issue que politique à la
situation ukrainienne.
Il y a urgence, car je
suis convaincu comme beaucoup d’observateurs de la situation en Ukraine que
Kiev se prépare à lancer une offensive militaire dans le Donbass. La
recrudescence des bombardements rapportée non seulement par les médias russe
mais aussi par la BBC et les observateurs de l’OSCE et les mouvements de
troupes, sont des indices qui ne trompent pas.
Mais une armée en partie
démoralisée, incapable de réussir une septième mobilisation car ses citoyens ne
veulent pas de cette guerre et ne veulent pas y participer, une armée à moitié
entrainée par des instructeurs étrangers qui ont bien peu de considération pour
leurs « élèves », ne peut pas vaincre des hommes résolus qui se
battent sur leur terrain pour défendre leurs femmes, leurs enfants, leurs
familles qui sont, physiquement, juste derrière eux. Jamais les 70.000 hommes
de Kiev ne battront les 35.000 indépendantistes résolus et qui sont sur leur
terrain qui s’y sont retranchés pendant des mois et qui, alors, n’auraient plus
grand-chose à espérer.
D’où la troisième
question à laquelle j’espère que nous n’aurons pas à répondre : que
va-t-il se passer après une défaite des armées de Kiev face aux
indépendantistes. Jusqu’où les indépendantistes vont chercher à pousser leur
avantage ? Moscou pourra-t-il les retenir ?
Si les indépendantistes
victorieux et avides de revanche poursuivent leur avantage au delà des limites
actuelles de leurs républiques autoproclamée, la logique actuelle de l’Otan
serait d’en faire porter la responsabilité à la Russie. Que ferait alors
l’Otan ? Intervenir militairement sur le terrain et entrer ainsi en une
confrontation armée avec la Russie ?
Etant un incurable
optimiste, je crois pas à cette évolution, cependant, je dois reconnaître
qu’une chose m’inquiète tout de même sérieusement : il y a encore beaucoup
trop de gens à Washington, à Bruxelles et à Kiev qui veulent une reprise des
combats dans le Donbass.
Alors, Angela et François
surpassez-vous, lundi, s’il vous plaît !
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