Avec résolution, avec obstination et sans états d'âme inutiles, la Russie trace son sillon au Moyen Orient.
Tel un lourd navire à qui il faut du temps pour
prendre de la vitesse mais qui s'arrêtera encore plus lentement, la
Russie est en train d'imprimer sa marque. Elle impose progressivement sa méthode qui est fondée sur la réflexion, réflexion qui mène aux certitudes qui à leur tour guident l'action.
On réfléchit d'abord et on tire ensuite si, et seulement si, c'est
nécessaire. Quand on prend le temps de réfléchir, on a le temps de décider où on va et par quel chemin. A
partir de ce moment, si on a les moyens de ses objectifs, tout est possible,
rien ou presque ne peut vous arrêter.
La Russie
de Vladimir Poutine est en train de donner une leçon au monde occidental. A ceux
qui en doutent encore, on conseillera de regarder les images de ce qui s'est
passé hier au ministère de la défense à Moscou. Tous ces attachés militaires étrangers, invités par le ministère et assis devant plusieurs centaines de journalistes du
monde entier, chacun suivant les explications de quelques officiers supérieurs russes sur les opérations en Syrie.
J'y ai vu
une leçon à plusieurs niveaux.
Le
premier niveau, le plus évident, c'est la démonstration de la collusion de la Turquie, membre de l’Otan, avec le terrorisme en général et l'Etat Islamique en particulier. La réaction russe est symptomatique : on ne cherche pas de
confrontation avec l'Otan, mais il est impossible de ne pas réagir à cette agression, donc on met
en évidence la duplicité d'un pays qui prétend faire partie d'une
alliance tout en maintenant des liens forts avec un ennemi déclaré de cette alliance. Ne soyons
pas naïfs, les membres de l'Otan, en
tout cas les plus importants étaient au courant de ce qui se
passait, mais ils pouvaient faire semblant de l'ignorer. Après la leçon d’hier, ils ne le peuvent plus et ce d'autant moins que les
attentats récents contre la Russie et
surtout la France, ont sérieusement fait baisser le
niveau de tolérance à ce type de comportements.
Le deuxième niveau, c'est une question posée à l'Otan : voyez-vous quel genre de partenaire vous avez ? Suivie d'une autre
question : êtes
vous donc en position de nous donner des leçons ? Cela pose le problème de la confiance que la Russie peut avoir en ce genre de
coalition. L'attaque de la Turquie a effectivement fait capoter les tentatives
de François Hollande en ce qu'elle a
mis en évidence le manque de fiabilité de certains pays qui, comme la France, font partie de
l'Otan. Espérons (on peut toujours rêver) que la France en profitera pour revoir sa stratégie d'alliances et comprendra que seule la Russie est
capable de mener la guerre contre les groupements terroristes du Moyen Orient.
Elle le peut non pas grâce à la puissance militaire dont elle a fait la preuve en Syrie,
mais parce qu'elle a effectivement les mêmes objectifs que la France,
si on excepte la position essentiellement émotionnelle du Quai d'Orsay à propos de Bashar Al-Assad. Elle le peut également parce qu'elle connaît le Moyen Orient mieux que
n'importe quel pays occidental et enfin parce qu'elle a des alliés sur place, même si, pour certains, il s’agit d’alliés de circonstance.
Le troisième niveau, c'est : voyez
comment nous réagissons quand
on nous agresse.
Ce niveau s'adresse plus particulièrement aux dirigeants
politiques et aux médias qui ont parlé de risques de guerre généralisée à la suite de la destruction du Sukhoï 24 de l'armée de l'air russe. Nous sommes un peuple responsable, nous réfléchissons
d'abord à nos objectifs
et à
la stratégie à
mettre en œuvre. Cette attitude est tellement
passée de mode chez nous que les réactions russes en sont devenues difficilement compréhensibles. Prenez l'exemple de la catastrophe aérienne du Sinaï. Non seulement les pays
occidentaux sont allés tout de suite à la conclusion de l'attentat, mais quand, après une enquête sérieuse ne laissant aucune hypothèse de côté à priori, la Russie a déclaré qu'il s'agissait bien d'un
attentat, on a vu, dans la presse française des titres comme "la
Russie admet l'attentat", comme s’il y avait quelque chose à « admettre ». J'ai expliqué récemment à un ami français qu'il s'agissait simplement de ne pas se précipiter vers une hypothèse unique qui exclue toutes
les autres, pour avoir une enquête objective qui ne passe pas à côté de la vérité. Il n'a pas fait de commentaire car c'est un ami, mais
j'ai lu l'incompréhension dans ses yeux. Enfin,
heureusement que la Russie n'est pas dirigée par un "clone" de
John McCain !
Le quatrième niveau est une démonstration : voyez comment réagissent
les pays civilisés, sûr
d'eux : nous ne portons pas d'accusations sans preuves. Ce niveau concerne tous les
pays qui accusent la Russie de tous les maux sans apporter la preuve de ce
qu'ils avancent. La Russie a abattu le
vol MH17 ? Où sont les
preuves ? Pourtant vous avez des satellites comme les nôtres
qui observent la terre et en particulier, en ce moment, l'Ukraine. L'armée
russe a envahi les Donbass ? Où sont les
preuves ? Pourtant, voyez, on peut photographier des camions depuis l'espace.
Pendant
ce temps, l'Otan propose au Monténégro (moins d'un million d'habitants, pas d'armée) de rejoindre le "Club des ennemis de la
Russie". On croit rêver. Et, comme on nous prend
pour des idiots, on nous explique que c'est la Russie qui a tort de s'inquiéter.
En Syrie, la Russie s'est complètement affranchie de l'influence de l'Otan. La leçon d'hier est là pour le confirmer, si besoin était. Voyez qui sont
les membres de votre club. Nous ne parlerons pas des Pays Baltes auxquels vous êtes
bien les seuls à accorder de
l'importance en croyant qu'ils nous importent. Sur le terrain, après avoir reçu le refus auquel elle s'attendait, la Russie poursuit son
plan qui est de détruire les sources de
terrorismes quelques soient les noms derrière lesquels elles se cachent,
pour ensuite rétablir un état syrien dont les citoyens pourront décider seuls qui doit les gouverner.
Pour cela la Russie n'a besoin de personne, surtout pas
d'alliés qui ont des allégeances avec l'ennemi, que ce soit pour des raisons stratégiques, politiques, économiques ou d'intérêts financiers privés.
La Turquie vient de lui fournir une excellente
justification au renforcent de ses défenses anti-aériennes. C'est comme cela qu'il faut analyser l'agacement
et les critiques plus ou moins voilées des membres du "Club
des ennemis de la Russie". Abattre un avion russe ne leur pose pas de problème à priori, mais eux ont compris
tout de suite ce que cela allait provoquer. L'installation de missiles S400 et
l'arrivée d'un navire spécialisé dans les contre mesures électroniques ont donné à la Russie la possibilité de fermer l'espace aérien syrien à qui elle veut. Elle est maître du jeu.
Nous verrons si elle accepte l'intervention d'avions américains, français ou anglais qui bombardent
en dehors de tout cadre juridique international. Je pense qu'elle le fera car
elle contrôle maintenant le ciel syrien.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire