jeudi 3 décembre 2015

La Leçon de Vladimir Poutine


Avec résolution, avec obstination et sans  états d'âme inutiles, la Russie trace son sillon au Moyen Orient. Tel un lourd navire à qui il faut du temps pour prendre de la vitesse mais qui s'arrêtera encore plus lentement, la Russie est en train d'imprimer sa marque. Elle impose progressivement sa méthode qui est fondée sur la réflexion, réflexion qui mène aux certitudes qui à leur tour guident l'action. On réfléchit d'abord et on tire ensuite si, et seulement si, c'est nécessaire. Quand on prend le temps de réfléchir, on a le temps de décider où on va et par quel chemin. A partir de ce moment, si on a les moyens de ses objectifs, tout est possible, rien ou presque ne peut vous arrêter.

La Russie de Vladimir Poutine est en train de donner une leçon au monde occidental. A ceux qui en doutent encore, on conseillera de regarder les images de ce qui s'est passé hier au ministère de la défense à Moscou. Tous ces attachés militaires étrangers, invités par le ministère et assis devant plusieurs centaines de journalistes du monde entier, chacun suivant les explications de quelques officiers supérieurs russes sur les opérations en Syrie.

J'y ai vu une leçon à plusieurs niveaux.

Le premier niveau, le plus évident, c'est la démonstration de la collusion de la Turquie, membre de lOtan, avec le terrorisme en général et l'Etat Islamique en particulier. La réaction russe est symptomatique : on ne cherche pas de confrontation avec l'Otan, mais il est impossible de ne pas réagir à cette agression, donc on met en évidence la duplicité d'un pays qui prétend faire partie d'une alliance tout en maintenant des liens forts avec un ennemi déclaré de cette alliance. Ne soyons pas naïfs, les membres de l'Otan, en tout cas les plus importants étaient au courant de ce qui se passait, mais ils pouvaient faire semblant de l'ignorer. Après la leçon dhier, ils ne le peuvent plus et ce d'autant moins que les attentats récents contre la Russie et surtout la France, ont sérieusement fait baisser le niveau de tolérance à ce type de comportements.

Le deuxième niveau, c'est une question posée à l'Otan : voyez-vous quel genre de partenaire vous avez ? Suivie d'une autre question : êtes vous donc en position de nous donner des leçons ? Cela pose le problème de la confiance que la Russie peut avoir en ce genre de coalition. L'attaque de la Turquie a effectivement fait capoter les tentatives de François Hollande en ce qu'elle a mis en évidence le manque de fiabilité de certains pays qui, comme la France, font partie de l'Otan. Espérons (on peut toujours rêver) que la France en profitera pour revoir sa stratégie d'alliances et comprendra que seule la Russie est capable de mener la guerre contre les groupements terroristes du Moyen Orient. Elle le peut non pas grâce à la puissance militaire dont elle a fait la preuve en Syrie, mais parce qu'elle a effectivement les mêmes objectifs que la France, si on excepte la position essentiellement émotionnelle du Quai d'Orsay à propos de Bashar Al-Assad. Elle le peut également parce qu'elle connaît le Moyen Orient mieux que n'importe quel pays occidental et enfin parce qu'elle a des alliés sur place, même si, pour certains, il sagit dalliés de circonstance.

Le troisième niveau, c'est : voyez comment nous réagissons quand on nous agresse. Ce niveau s'adresse plus particulièrement aux dirigeants politiques et aux médias qui ont parlé de risques de guerre généralisée à la suite de la destruction du Sukhoï 24 de l'armée de l'air russe. Nous sommes un peuple responsable, nous réfléchissons d'abord à nos objectifs et à la stratégie à mettre en œuvre. Cette attitude est tellement passée de mode chez nous que les réactions russes en sont devenues difficilement compréhensibles. Prenez l'exemple de la catastrophe aérienne du Sinaï. Non seulement les pays occidentaux sont allés tout de suite à la conclusion de l'attentat, mais quand, après une enquête sérieuse ne laissant aucune hypothèse de côté à priori, la Russie a déclaré qu'il s'agissait bien d'un attentat, on a vu, dans la presse française des titres comme "la Russie admet l'attentat", comme sil y avait quelque chose à « admettre ». J'ai expliqué récemment à un ami français qu'il s'agissait simplement de ne pas se précipiter vers une hypothèse unique qui exclue toutes les autres, pour avoir une enquête objective qui ne passe pas à côté de la vérité. Il n'a pas fait de commentaire car c'est un ami, mais j'ai lu l'incompréhension dans ses yeux. Enfin, heureusement que la Russie n'est pas dirigée par un "clone" de John McCain !

Le quatrième niveau est une démonstration : voyez comment réagissent les pays civilisés, sûr d'eux : nous ne portons pas d'accusations sans preuves. Ce niveau concerne tous les pays qui accusent la Russie de tous les maux sans apporter la preuve de ce qu'ils avancent. La Russie a abattu le vol MH17 ? Où sont les preuves ? Pourtant vous avez des satellites comme les nôtres qui observent la terre et en particulier, en ce moment, l'Ukraine. L'armée russe a envahi les Donbass ? Où sont les preuves ? Pourtant, voyez, on peut photographier des camions depuis l'espace.

Pendant ce temps, l'Otan propose au Monténégro (moins d'un million d'habitants, pas d'armée) de rejoindre le "Club des ennemis de la Russie". On croit rêver. Et, comme on nous prend pour des idiots, on nous explique que c'est la Russie qui a tort de s'inquiéter.

En Syrie, la Russie s'est complètement affranchie de l'influence de l'Otan. La leçon d'hier est là pour le confirmer, si besoin était. Voyez qui sont les membres de votre club. Nous ne parlerons pas des Pays Baltes auxquels vous êtes bien les seuls à accorder de l'importance en croyant qu'ils nous importent. Sur le terrain, après avoir reçu le refus auquel elle s'attendait, la Russie poursuit son plan qui est de détruire les sources de terrorismes quelques soient les noms derrière lesquels elles se cachent, pour ensuite rétablir un état syrien dont les citoyens pourront décider seuls qui doit les gouverner.

Pour cela la Russie n'a besoin de personne, surtout pas d'alliés qui ont des allégeances avec l'ennemi, que ce soit pour des raisons stratégiques, politiques, économiques ou d'intérêts financiers privés.

La Turquie vient de lui fournir une excellente justification au renforcent de ses défenses anti-aériennes. C'est comme cela qu'il faut analyser l'agacement et les critiques plus ou moins voilées des membres du "Club des ennemis de la Russie". Abattre un avion russe ne leur pose pas de problème à priori, mais eux ont compris tout de suite ce que cela allait provoquer. L'installation de missiles S400 et l'arrivée d'un navire spécialisé dans les contre mesures électroniques ont donné à la Russie la possibilité de fermer l'espace aérien syrien à qui elle veut. Elle est maître du jeu.

Nous verrons si elle accepte l'intervention d'avions américains, français ou anglais qui bombardent en dehors de tout cadre juridique international. Je pense qu'elle le fera car elle contrôle maintenant le ciel syrien.

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