Le vice président
américain Joe Biden était à Kiev en début de semaine. Son discours à la Rada,
le parlement ukrainien avait les allures pathétiques, d’un grand papa
déconnecté des réalités qui continue à acheter l’amour de ses petits enfants
avec des cadeaux. Quel genre de respect peuvent avoir les enfants ?
D’autant que les cadeaux continuent à arriver sous forme de financements divers
qui permettent de poursuivre la guerre
que Kiev mène contre les Ukrainiens du Donbass, et de créditer les
comptes des oligarques et hauts fonctionnaires locaux.
Dans son article sur le
voyage du vice président américain, le « New York Times » explique
quel silence a accueilli les recommandations américaines de maîtriser les
finances de l’état et de lutter contre la corruption alors qu’une salve
d’applaudissements a salué sa déclaration à propos de la Russie qui a
« violé la souveraineté de l’Ukraine[1] »
accompagnée d’une promesse « les Etats-Unis ne reconnaitront jamais
l’annexion de la Crimée », du Petro Poroshenko pur jus !
Histoire de bien enfoncer
le clou, il a suggéré que les sanctions ne devraient pas être levées mais au
contraire accentuées si la Russie ne tient pas ses engagements en particulier
si elle ne retire pas les huit mille soldats et les tanks qu’elle a déployé
dans le Donbass, un « déploiement fantôme » que les Etats-Unis n’ont
jamais pu prouver, évidemment. Quant aux accords de Minsk, Biden en inverse
certains paragraphes pour montrer que la Russie ne les respecte pas. Dans l’ordre
qu’il expose, c’est exact, mais dans les accords, il est prévu que l’Ukraine
retrouvera la maîtrise de sa frontière avec la Russie APRES la tenue
d’élections démocratiques dans le Donbass, et non avant. On remarquera en
passant que le côté ukrainien de cette frontière est tenu par les Ukrainiens du
Donbass et non par la Russie.
Donc, le message délivré
par Joe Biden était, en gros « il faudrait dépenser moins, mettre de
l’ordre dans l’administration et lutter contre la corruptions, mais si vous ne
le faites pas, nous continuerons tout de même à vous envoyer de
l’argent » !
On comprend évidemment la
position du gouvernement américain qui, après avoir dépensé cinq milliards de
dollars pour « favoriser la démocratie en Ukraine » selon une
déclaration publique de Victoria Nuland, avoir fomenté la révolution de Maidan
comme l’a expliqué le fondateur de « Stratfor », George Friedman[2],
et comme l’a également reconnu Barak Obama, voit la situation s’enliser en
Ukraine. L’objectif premier d’entrainer la Russie dans une guerre locale n’a
pas été atteint, seul celui d’éloigner la Russie de l’Europe l’a été, mais à
quel prix ! Aujourd’hui reste un pays plus qu’à moitié détruit, toujours
aux mains d’oligarques et de hauts fonctionnaires corrompus (les personnes ont
changé mais pas les méthodes) et qu’il faut coûte que coûte garder à flots, au
moins le temps de s’en aller. Mais qui va payer ? L’Union Européenne ne le
peut pas et le veut de moins en moins, seule la pression américaine sur
Bruxelles oblige l’Europe à maintenir les sanctions contre la Russie. Quant à
financer les excès des dirigeants ukrainiens au moment où on doit en plus faire
face à une vague d’immigration sans précédents, n’y pensons pas !
Les Etats-Unis ne veulent
plus non plus financer directement l’Ukraine. Ils ont même refusé de garantir
la dette du pays à la Russie dans le cadre d’une restructuration de cette dette
de trois milliards de dollars qui vient à échéance dans dix jours. Il faut dire
aussi que quand il s’agit de la Russie, le gouvernement américain réagit « comme
un drogué en manque qui ne peut plus penser à autre chose que trouver sa dose[3] ».
Ils ont donc dégainé leur
deuxième arme de guerre après l’Otan, à savoir le FMI. C’est lui qui va
soutenir l’effort de guerre de l’Ukraine contre le Donbass (donc, dans l’esprit
du gouvernement US, contre la Russie). Problème : l’Ukraine va
certainement faire défaut sur le remboursement du prêt de trois milliards de
dollars par la Russie et qui vient à échéance ce mois-ci. Le FMI ne peut pas,
d’après ses statuts prêter de l’argent à un pays en défaut de paiement. Qu’à
cela ne tienne, le 9 décembre, le Conseil Exécutif du FMI décidait de ne pas
tenir compte de cette clause, remettant en cause une règle qui avait structuré
le système financier international depuis plus de cinquante ans.
Les personnes bien
informées savaient depuis longtemps que le FMI était dirigé par les Etats-Unis.
C’est en grande partie pour cela que les BRICS ont lancé leur banque en début
d’année et que la Chine a créé la Banque Asiatique d’Investissement dans les
Infrastructures. Mais jusqu’à présent, le Fonds avait toujours cherché à sauver
les apparences. Ce n’est plus le cas. En principe le FMI ne fait pas de prêts
aux pays en guerre, on l’a « oublié » dans le cas de l’Ukraine. En
principe, on ne fait pas de prêts aux pays qui présentent peu de chance de
remboursements (règle instituée en 2001 après les problèmes de l’Argentine),
mais au printemps le FMI a débloqué une nouvelle tranche de prêt.
Aujourd’hui, le Fonds se
prépare à débloquer une nouvelle tranche et c’est pour cela qu’il a
officiellement renoncé à la règle concernant le défaut de paiement. Est-ce
parce que le « rating » de l’Ukraine auprès des grandes agences
internationales se serait brusquement amélioré ? Selon les dernières
évaluations, Standard & Poor’s a donné la note B- (degré le plus bas de la
zone « extrêmement spéculatif »), pour Moodie’s, c’est Caa3
(« état de défaut de paiement avec peu d’espoir de remboursement »)
et enfin pour Fitch, c’est RD (« en état de défaut de paiement »). Brillant !
Vous iriez mettre de l’argent dans ces investissements ? Ne craignez rien,
le FMI va le faire pour vous (avec l’argent de vos impôts que vos pays
européens confient au FMI).
Pourquoi tout cela ?
Tout d’abord parce que si le FMI bloquait toute intervention dans le pays,
automatiquement, c’est la règle, tous les programmes de crédit avec les
organisations financières internationales (Banque mondiale, Banque européenne
pour la reconstruction et le développement, gouvernements de l'UE et des
Etats-Unis) seraient suspendus.
Les Etats-Unis via le FMI
avaient donc le pouvoir d’imposer la paix en Ukraine en refusant de financer la
politique belliqueuse de l’Ukraine vis à vis de la Russie via le Donbass. Au
lieu de cela, les Etats-Unis ont donc ordonné au FMI de soutenir la politique
ukrainienne, sa « kleptocratie », et son mouvement « secteur
droit » ouvertement fasciste. La seule condition imposée est la poursuite
de l’austérité qui ne fait qu’augmenter les chances de défaut, mais il est vrai
qu’au niveau où elles sont déjà… Quant à la corruption et au souffrances de la
population… depuis quand le bien-être des populations est-il une variable de
l’équation libérale ?
Mais cette décision va
aussi bien au delà de tout cela. Elle équivaut à annoncer : « nous
n’exigerons plus le remboursement que des sommes dues aux Etats-Unis et à leurs
alliés ». En termes plus financiers, cela revient à couper le monde en
deux entre, d’un côté la zone dollar plus euro et les devises des pays alliés
des Etats-Unis, et de l’autre les BRICS.
Que vont faire ces
pays ? Rendez-vous à la prochaine réunion des BRICS, de la « Brics
Development Bank » ou de la « Banque Asiatique d’Investissements ».
Stephen Cohen a raison,
« des drogués en manque » !
[1] Accusation reprise dans un
article de TV5Monde : « Or "les chars et les missiles russes
sont toujours dans le Donbass" et les séparatistes sont "toujours
dirigés depuis Moscou", a accusé M. Biden. "Les États-Unis ne
reconnaissent pas et ne reconnaîtront jamais la tentative de la Russie d'annexer
la Crimée", a encore martelé le responsable américain, dont les propos ont
été accueillis par une ovation des députés. http://information.tv5monde.com/en-continu/biden-presse-l-ukraine-de-saisir-une-chance-historique-de-se-reformer-73070
[2] Dans un discours devant le “Chicago Council
on global affairs”, le 4 février 2015
[3] Expression “empruntée” à Stephen
Cohen dans une interview qu’il a donnée à Patrick L. Smith le 17 avril 2015.
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